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4 octobre 2012 4 04 /10 /octobre /2012 07:02
jeudi 04 octobre 2012

Depuis cinq ans, une grande ville se construit, dans les montagnes de la banlieue de Caracas, au Venezuela. Le président Hugo Chavez, qui brigue sa 3e réélection ce dimanche, veut en faire la première "ville socialiste" du Venezuela. À Ciudad Caribia, il espère attirer 100 000 habitants d'ici à la fin de la décennie.

Ciudad Caribia. De notre correspondant.

Il y a encore cinq ans, il n'y avait rien sur ces montagnes. Seulement une végétation basse et touffue, indifférente aux vrombissements, en contrebas, de l'autoroute menant à Caracas. N'y pénétraient que des voies de terre presque oubliées : les « chemins des Indiens », baptisés ainsi en hommage aux premiers habitants du Venezuela qui se seraient réfugiés là, il y a plusieurs siècles, pour échapper aux Espagnols.

Aujourd'hui, une cité a émergé dans ce désert. Une route à quatre voies surplombées de parois bétonnées mène désormais à Ciudad Caribia, la première « ville socialiste » du pays. La cité en construction abrite déjà 5 000 habitants et devrait en accueillir jusqu'à 100 000 à la fin de la décennie. Elle a été implantée ici par le président « révolutionnaire » Hugo Chavez pour résister non plus aux Conquistadors, mais au capitalisme.

« Nous, les pauvres, nous allons faire de cette ville une cité modèle », assure Margarita Fórnica, au pied d'un bâtiment de quatre étages. Cette jeune mère de cinq enfants a emménagé, il y a un an, après avoir perdu sa maison lors des pluies exceptionnelles de 2010, qui ont fait 130 000 sinistrés. Elle résidait auparavant dans un refuge, comme beaucoup de ses nouveaux voisins.

« C'était dur, nous étions entassés », raconte Tania Rodríguez, installée avec ses trois petits-enfants dans un rez-de-chaussée tout neuf. Enfin alerté par la précarité de nombre de bidonvilles, le pouvoir a alors lancé un plan pour édifier 3 millions de logements avant 2019. À marche forcée en année électorale, les bâtiments financés par les pétro-dollars de la révolution ont poussé comme des champignons dans tout le pays.

À Ciudad Caribia comme ailleurs, les sinistrés ont obtenu des appartements de deux ou trois chambres, équipés en électroménager. Ils commenceront à les rembourser d'ici à un ou deux ans. « On ne nous a toujours pas dit combien ce serait par mois, mais on nous a déjà donné le titre de propriété », glisse Daise Manuitt, serveuse de l'un deux cafés d'État de la cité.

Soins gratuits

Sur la terrasse, où on recroise Margarita Fórnica, celle-ci en profite pour l'inviter à venir admirer la mer des Caraïbes, de son balcon. Margarita est agent d'entretien, avec son époux, dans l'établissement où étudient leurs enfants. Elle s'est même offert un écran plat à crédit pour regarder en soirée La Hojilla, émission pro-Chavez à succès. Inconditionnelle du Président, dont les programmes d'éducation pour adultes lui ont permis d'obtenir le baccalauréat, elle ne cesse de vanter le fonctionnement de la cité, vitrine du « socialisme du XXIe siècle. »

À son arrivée, elle a intégré un « conseil communal » de quartier. Il supervise l'activité d'une coopérative maraîchère qui étale laitues et courgettes dans ses rayons.

En surplomb, une allée piétonne relie les logements ornés d'affiches du chef de l'État à une église et aux petits commerces. Le chaland est encore rare, ce matin : la plupart des hommes travaillent. Sur les chantiers de Ciudad Caribia pour les plus chanceux ; à Caracas pour les autres. Ils sautent dès l'aube dans les jeeps ralliant la capitale, où ils prennent encore métro et bus. « Pour l'instant, la plupart des gens travaillent à l'extérieur. Mais le but est que la ville devienne autonome économiquement. »

En attendant de vrais emplois - deux usines étatiques sont en construction - les habitants annoncent, par des affichettes collées aux fenêtres, la vente de glaces ou de cigarettes au détail.

Ils peuvent déjà faire leurs courses dans plusieurs boutiques subventionnées, dont la populaire supérette Mercal. « Suivant les arrivages, les achats sont limités, prévient le responsable du magasin. Aujourd'hui, c'est deux paquets par personne pour le riz, deux bouteilles pour l'huile... Et pour les oeufs, il faut toujours aller à Catia. » Autrement dit, le quartier de Caracas le plus proche, à une demi-heure sans bouchons.

En revanche, il ne faut marcher que trois minutes pour se faire examiner au centre de santé, équipé depuis peu d'une salle de chirurgie. Dans la salle d'attente, un homme fébrile attend qu'on lui arrache une dent. Il ne paiera rien. Ici, les médecins, cubains et vénézuéliens, sont payés par l'État.

Le patient ressort en fin d'après-midi, dans le brouillard qui s'empare alors de Ciudad Caribia. Les squelettes des tours en constructions s'estompent sur les collines, tandis que Margarita retrouve ses cinq enfants et son écran plat. La révolution est en marche, est-elle convaincue. Et tant pis si la marche est lente : elle a un toit.

 

Michel TAILLE

OUEST FRANCE

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